Le double jeu de Google avec ses clients

Découvrez comment Google traite ses clients comme des vaches à lait, en diminuant artificiellement l’efficacité de son algorithme publicitaire Google Ads pour maximiser ses bénéfices.

Le chiffre d’affaires de Google s’est envolé de 41,2 % en 2021. Ce n’est pas une simple forte progression dans le cadre du même modèle économique, c’est un véritable changement de stratégie.

Cette progression ne nous étonne pas de la part de cette entreprise innovante, qui fait partie de notre quotidien et qui nous habitué à ses performances, mais que cache une telle progression ?
Dans cet article je vous explique pourquoi nous arrivons à un point de rupture.

Qui sont les clients de Google

Google tire l’essentiel de ses revenus de la publicité. Ses clients sont essentiellement des entreprises, qui utilisent le service Google Ads afin d’afficher des annonces dans les pages de résultats de recherche et sur des sites partenaires, dans le but d’acquérir de nouveaux clients ou d’améliorer leur notoriété.

Généralement, les annonces s’affichent sous la forme de résultats sponsorisés, pour la recherche des mots-clés sélectionnés par l’annonceur. La facturation se fait au clic (un clic sur l’annonce, donc une visite du site de l’annonceur), dont le coût est basé sur un système d’enchères entre les annonceurs.

Les clients de Google cherchent un retour sur investissement et l’utilisation de Google Ads, le système publicitaire de Google, ne peut continuer que tant que ce retour sur investissement existe.

Comment Google augmente sa rentabilité

La première phase du développement de Google s’est effectuée pendant des années par l’acquisition de nouveaux clients. Ce développement du nombre d’annonceurs a été rapide pendant une longue période, mais il est arrivé un moment où la majorité des entreprises susceptibles d’utiliser Google Ads le faisaient, ce qui a ralenti la progression. Quelles étaient alors les possibilités pour continuer une progression forte ? Il ne restait à Google que la solution d’augmenter la marge par client.

Comment Google a augmenté son bénéfice par client

En tant qu’utilisateur du service Google Ads (anciennement Google AdWords) depuis 20 ans, la première évolution que j’ai notée allant dans le sens de la volonté de Google d’augmenter son bénéfice par client est la suppression des annonces affichées sur la droite des résultats de recherche en 2016 (ne restait que les emplacements en haut ou en bas de page). En divisant par plus de 2 le nombre d’emplacements disponibles, le service AdWords étant basé sur un système d’enchères sur les mots-clés recherchés, le prix des « clics » s’est envolé, diminuant fortement le retour sur investissement pour les annonceurs.

Néanmoins, à cette époque, quand on était en contact avec des conseillers de Google (Account strategysts), on voyait que leur objectif était – encore – de maximiser le retour sur investissement de leurs clients.

Pour aller plus loin dans la maximisation de leurs bénéfices, ces dernières années, Google a développé l’automatisation des campagnes, avec notamment les stratégies d’enchères automatiques et les campagnes dites « intelligentes ».

Comment Google trompe ses clients pour maximiser son bénéfice

Google nous dit que son intelligence artificielle peut évaluer tous les paramètres à chaque affichage des annonces et prendre la meilleure décision en fonction du contexte. Il incite donc à automatiser au maximum la gestion des campagnes, qui initialement était entièrement manuelle, c’est-à-dire notamment le choix des mots-clés déclenchant l’affichage des annonces et les enchères. Il est évident que l’automatisation de la gestion des campagnes devrait apporter de bien meilleures performances que les campagnes gérées manuellement par nos pauvres cerveaux limités, ne faisant finalement qu’appliquer un algorithme (j’augmente les enchères dans tel cas, je les baisse dans tel autre…), qui plus est pas en temps réel, mais dans la pratique, il en va tout autrement, car il est bien rare qu’une campagne gérée automatiquement ait de meilleures performances qu’une campagne gérée manuellement.

Alors pourquoi les campagnes, dont certaines sont qualifiées d’intelligentes par Google, ne semblent pas l’être ? c’est tout simplement qu’elles sont intelligentes… pour faire gagner plus à Google ! Voyons comment.

Avec ce type de fonctionnement automatique, l’annonceur maîtrise beaucoup moins de paramètres et Google a ainsi les mains libres pour diffuser les publicités de façon à maximiser ses bénéfices. Par exemple en diffusant les annonces pour des mots-clés que les annonceurs ne sélectionnent habituellement pas. Or, si certains mots-clés ne sont habituellement pas choisis par les annonceurs, ce n’est généralement pas par hasard, mais parce qu’ils ne permettent pas aux entreprises d’atteindre leurs objectifs ; donc en diffusant des annonces pour ces recherches, les annonceurs paient des clics pour rien.
Et outre le choix des mots-clés, on s’aperçoit également que le prix payé pour les clics est souvent bien supérieur pour un même mot-clé que lorsque les enchères sont gérées manuellement, même lorsqu’une enchères inférieure permettrait une visibilité suffisante pour dépenser le budget alloué à la campagne, bizarre, pour un algorithme qui est censé maximiser la rentabilité pour l’annonceur…
Google diminue donc volontairement la rentabilité pour ses clients afin d’améliorer la sienne !

Pour augmenter le nombre d’annonceurs utimisant l’automatisation des campagnes, Google a mis en place un système de recommandations. Un clic suffit pour les accepter et les appliquer, et Google incite même à activer un mode d’application automatique des recommandations, mais souvent cela entraîne un écroulement de la rentabilité d’une campagne. De plus, quand une campagne n’est pas paramétrée comme cela arrange Google, des messages d’alerte présentent cela comme une anomalie et les incitations sont très forte pour que l’on accepte les recommandations destinées à régler le “problème”, si bien qu’aujourd’hui, une part non négligeable de mon temps consiste à revenir en arrière pour des recommandations que mes clients ont acceptées, croyant bien faire…

Dans le même but, Google a par ailleurs mis en place un indicateur pour les campagnes, le taux d’optimisation, et une campagne performante, paramétrée finement manuellement, dispose d’un taux d’optimisation médiocre, alors qu’en appliquant les recommandations de Google, le taux d’optimisation devient bon, mais généralement les performances s’effondrent…

Google avait même décidé de soumettre l’obtention ou la conservation du statut de “partenaire de Google” à un taux d’optimisation minimal, ce qui revenait à dire que pour que les experts Google Ads puissent être partenaires, il aurait fallu qu’ils …arrêtent d’optimiser les campagnes de leurs clients et laissent cette tâche à Google ! Or, arrivé peu avant la date d’application de cette mesure, Google a dû faire marche arrière ; afin d’éviter de perdre la grande majorité de ses partenaires, Google a dû permettre que le taux d’optimisation puisse augmenter soit en acceptant ses recommandations, soit en …les refusant.

Quant aux account strategyst de Google dont le rôle était et est censé être d’aider les annonceurs à améliorer les performances de leurs campagnes, ils sont devenus des auxiliaires commerciaux de Google, destinés à faire du chiffre, en augmentant la pression sur les utilisateurs de Google Ads pour qu’ils appliquent les recommandations, si bien que je n’accepte plus de leur parler.

Quelles conséquences pour ce changement de la stratégie de Google ?

La première conséquence est la baisse de rentabilité pour les annonceurs. Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises essaient le service Google Ads, mais l’abandonnent très vite faute de rentabilité. D’autres, qui autrefois réussissaient à gérer par eux-mêmes une campagne rentable, sont obligés de faire appel à des experts pour réussir à obtenir un retour sur investissement.

En outre, avec l’évolution de l’utilisation du web et ses conséquences comme la fin des annuaires papier, associé au monopole de Google sur la recherche, beaucoup d’entreprises, comme des artisans, sont devenues dépendantes à 100 % de Google pour la recherche de nouveaux clients. Et comme les annonces captent une bonne part du trafic en étant plus visibles que les résultats naturels, c’est à dire les résultats gratuits (souvent, on ne voit qu’elles avant de faire défiler), cela revient à dire que beaucoup d’entreprises n’ont pas d’autres choix que l’utilisation de la publicité Google pour trouver des clients, surtout dans certains domaines d’activité. Avec la diminution des performances liées à l’automatisation des campagnes et la diminution du nombre d’emplacements publicitaires, l’augmentation des coûts peut aller très loin, car Google Ads est un système d’enchères, donc lorsque des annonceurs décident d’augmenter leurs enchères pour conserver leur visibilité et donc leur activité, cela oblige les autres à surenchérir pour conserver la leur et comme Google s’est arrangé pour que le nombre d’emplacement soit insuffisant, c’est un cercle vicieux à la hausse qui finit par aboutir à des coûts par clic complètement aberrants, comme 20 ou 30 € (pour obtenir un unique visiteur sur le site donc).

Avec cette augmentation des coûts, certaines entreprises dont l’essentiel de la clientèle provient de Google mettent tout simplement la clé sous la porte et d’autres choisissent de répercuter ce surcoût sur le prix de leurs prestations, mais avec ce cercle infernal des enchères, un prix “normal” de prestation devient vite insuffisant et dans certains métiers, ceux qui subsistent sur le marché sont ceux qui en viennent à la pratique de prix que les autres ne peuvent ou veulent pas pratiquer, ce qui peut aller jusqu’à l’escroquerie, c’est souvente le cas dans le domaine de l’intervention d’urgence (plombiers, serrurier) ou chez les marabouts africains par exemple et les professionnels honnêtes et compétents sont poussés à la faillite…

D’autres annonceurs essaient de continuer, mais comme ils ont des difficultés financières, ils ont des difficultés à payer Google. Donc, comme Google a supprimé la possibilité de “prépaiement”, ils consomment de la publicité avant de la payer et quand vient le moment de payer, ils en sont incapables et cela génère des impayés. Google a alors commencé à “blacklister” de nombreux de ses anciens clients, en suspendant leur compte et en leur interdisant d’en ouvrir de nouveaux.
Aujourd’hui, de nombreuses entreprises souhaitent donner de l’argent à Google pour diffuser des publicités, mais n’y sont plus autorisées et certains sont amenés à changer d’identité pour utiliser Google Ads, alors que si Google voulait sécuriser ses paiements, il lui suffirait de proposer de nouveau le prépaiement, mais le post-paiement génère beaucoup plus de dépenses et donc rapporte plus…

Jusqu’où cela peut-il aller ?

Nous savons que les entreprises côtées en bourse sont “obligées” d’augmenter toujours leurs bénéfices pour contenter leurs actionnaires, même quand c’est au détriment du propre intérêt de l’entreprise, et il est peu probable que Google change de stratégie de lui-même.

Google pirate son propre fonctionnement !

Comme on vient de le voir, Google pouvait difficilement aller plus loin dans les incitations destinées à mettre en œuvre des pratiques allant dans son intérêt (l’automatisation des campagnes), donc il s’est mis à détourner le fonctionnement manuel des campagnes

Désolé de devoir rentrer un peu dans le détail du fonctionnement du système publicitaire Google Ads, mais c’est nécessaire pour comprendre le virage de Google.
Lorsqu’on sélectionne un mot-clé afin que sa recherche déclenche l’affichage des annonces, on peut lui attribuer 3 “types de correspondance” : 

  • “requête large” : laisse une grande liberté à Google pour afficher les annonces pour des mots-clés qu’il considère comme proches, 
  • “requête exacte” : impose la présence des mots-clés choisis dans la requête de recherche,
  • “mot-clé exact” : impose que la recherche corresponde strictement au mot-clé. 

Or, Google a modifié ce fonctionnement il y a quelques semaines et pour les types de correspondance qui imposaient la présence du mot-clé dans la requête de recherche, “l’intention” de l’internaute suffit maintenant à permettre un affichage des annonces, ce qui était la définition même du mode de fonctionnement de la requête large ! donc Google à modifié les paramètres qui permettaient de faire un ciblage précis des mots-clés, afin de pouvoir diffuser sur les mots-clés qui l’arrangent !

C’est un peu le même principe une mesure beaucoup plus ancienne : empêcher d’utiliser des mots-clés trop ciblés. Si on choisit un mot-clé très ciblé, les annonces ne sont pas diffusées (message “nombre de recherches faible”). En effet, moins un mot-clé est ciblé, plus il faut de clics pour obtenir une “conversion” et donc plus ça rapporte à Google…

Mais, le plus fort est qu’en s’affranchissant de respecter les mots-clés sélectionnés par les annonceurs, Google réussit à s’affranchir des enchères qu’ils ont fixées !!

Imaginons que je suis un marchand de chaussures et que je diffuse des annonces pour “mocassins femme” et “mocassins femme Méphisto”. Comme les recherches de la seconde expression sont beaucoup plus ciblées et quelle concerne une marque haut de gamme, je suis prêt à payer les visites 4 fois plus cher. Je vais donc fixer les enchères en conséquence, mais Google va pouvoir me facturer une partie des visites liées à l’expression qui a la plus faible enchère, au prix de celui qui a la plus élevée ! en effet, il va considérer que ceux qui recherchent “mocassins femme” on une intention qui correspond aussi à “mocassins femme Méphisto” !

Cette évolution qui change le principe de ciblage des mots-clés qui est au cœur du système publicitaire de Google depuis l’origine enlève la plus grande partie de l’intérêt d’utiliser Google Ads, qui était justement de pouvoir cibler très finement les utilisateurs du moteur de recherche.

Cela impacte une nouvelle fois fortement la rentabilité pour les annonceurs, qui déjà était souvent devenue difficile à atteindre. On constate que Google n’est plus dans une logique entrepreneuriale, mais dans une logique purement financière de court terme, quitte à scier la branche sur laquelle il se trouve en perdant ses clients petit à petit pour maximiser des résultats financiers à court terme.

Aujourd’hui, je ne continue à utiliser Google Ads que parce que j’essaie de mon mieux de contourner le fonctionnement qui est censé être dorénavant le fonctionnement normal de la plateforme publicitaire, mais incontestablement, il est maintenant plus rentable de faire de la publicité sur certains réseaux sociaux. Il faut que je me forme !

Nota : cette analyse ne se base pas sur des informations provenant de Google, mais uniquement sur une tentative de compréhension de sa stratégie vue de l’extérieur par un expert utilisant le service Google Ads depuis 20 ans.